La France bat des records. Avec 443 500 étudiants étrangers en 2024-2025, jamais l’enseignement supérieur n’a compté autant de nouveaux arrivants venus de l’autre côté du globe. Mais l’étude publiée par la Direction générale des étrangers en France introduit un bémol : derrière cette façade flatteuse, le pays laisse s’installer une gestion administrative inégale, parfois chaotique, qui interroge sa capacité réelle à accueillir, accompagner et retenir ces étudiants.
Un continent domine : l’Afrique
Plus de 54 % des étudiants “en mobilité internationale” viennent d’Afrique, dont 22,6 % d’Afrique subsaharienne francophone. Ce chiffre, rarement assumé publiquement, dit beaucoup de la recomposition géopolitique de l’attractivité française : l’Asie et l’Amérique reculent, tandis que l’Afrique prend toute la lumière.
Mais ce sont aussi ces étudiants qui connaissent les parcours les plus heurtés. Cinq ans après leur arrivée, seuls 31 % ont quitté le statut d’étudiant primo-arrivant — un écart de 27 points avec la moyenne. Comment l’expliquer ? Manque d’accompagnement ? Complexité des démarches ? Incompréhensions administratives ? Le rapport ne tranche pas, mais les chiffres posent question.
Des études longues… ou des trajectoires bloquées ?
On pourrait attribuer ces durées à la structure des études : médecine, ingénierie, doctorats. Pourtant, la statistique brutale demeure : un quart des étudiants étrangers encore “étudiants” après cinq ans, et 5 % au-delà de huit ans.
S’agit-il d’un choix académique ou d’une incapacité du système à offrir des débouchés clairs ?
La question devient sensible au moment où la loi du 26 janvier 2024 durcit les exigences d’intégration et renforce le contrôle du passage vers le statut salarié.
L’université en première ligne, les préfectures en difficulté
À l’université, la présence étrangère atteint 9,9 % en licence, 15,8 % en master, 34,9 % en doctorat. Les écoles de commerce franchissent les 20 %, les écoles d’ingénieurs les 16 %.
Mais plus la France attire, plus elle expose sa principale faiblesse : l’hétérogénéité des pratiques préfectorales. Délais imprévisibles, dossiers identiques traités différemment selon les départements, renouvellements multiples… Le rapport évoque à demi-mot un système “à plusieurs vitesses”, où l’origine géographique joue parfois autant que la nature des études.
Peut-on se permettre un tel patchwork administratif dans un contexte mondial ultra-concurrentiel ?
Une bataille internationale que la France pourrait perdre
Les pays anglo-saxons musclent leurs politiques d’accueil. L’OCDE rappelle que 7,4 % des étudiants du supérieur dans ses pays membres sont désormais internationaux, un record absolu. Le Canada simplifie ses procédures ; l’Australie accélère les transitions vers le travail ; l’Allemagne multiplie les passerelles professionnelles.
La France, elle, continue d’attirer massivement… mais sans garantir un parcours lisible.
Jusqu’à quand ?
L’enjeu : attirer, oui. Transformer, encore mieux.
L’étude montre une évidence : l’attractivité française fonctionne, mais l’ascenseur social et administratif, lui, semble grincer.
Le pays peut-il continuer à accueillir plus de 400 000 étudiants étrangers par an sans repenser ses procédures ?
Veut-il réellement retenir les profils qualifiés qu’il appelle pourtant de ses vœux ?
Et surtout : pourquoi tant d’étudiants restent-ils bloqués si longtemps dans le statut “étudiant”, sans parvenir à passer à la suite ?
Ces questions, le rapport ne les règle pas. Il les met sur la table. Et elles interrogent directement la cohérence de la politique migratoire française : accueillir largement, mais accompagner peu.
Un paradoxe que la France n’a plus vraiment les moyens d’ignorer.
